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HISTOIRE ET RESTAURATION DU MANOIR 
DU DOMAINE DE CHALANIAT
À
LA SAUVETAT (PUY-DE-DÔME)

Histoire du bâtiment

Ce manoir, maison des champs de la famille TIXIER au XVIIIe siècle, entra par mariage dans la famille des RODDE DE CHALANIAT au début du siècle suivant. La dernière représentante de cette lignée le vendit en 1933 à M. et Mme Jean-Édouard KNOCKER, dont l’arrière-petite-fille, Madame Valérie RICHARD, est l’actuelle propriétaire du domaine. 

Voir l’historique complet sur le site du domaine de Chalaniat

Les parties les plus anciennes de la maison datent de la seconde moitié du XVIe siècle, comme en témoignent la porte sculptée de la cour d’honneur, mais aussi la loggia de la façade sur rue et, trônant dans la grand salle du rez-de-chaussée, l’exceptionnelle cheminée sculptée en pierre de Volvic, digne des plus beaux châteaux de la Renaissance. D’après l’examen du cadastre napoléonien, confirmé par le mur de refend très épais qui traverse le bâtiment dans sa longueur, il semble que celui-ci était moins large à l’origine, et que la porte sculptée appartenait à un avant-corps en hors-œuvre, logeant peut-être un escalier, comme il était fréquent au XVIe siècle. Le nouveau maître du domaine, Jean-Baptiste-Charles RODDE DE CHALANIAT (1784-1842), fit avancer la façade en lui donnant une élévation plus classique (baies du premier et du second étage) sur un tracé rectiligne. Mais c’est vraisemblablement lors d’une campagne ultérieure que la nouvelle lignée poursuivit la transformation du bâtiment dans un style historiciste, typique de la seconde moitié du XIXe siècle, en perçant les croisées à crossettes du rez-de-jardin et en greffant sur les ouvertures oblongues du dernier étage les meneaux et crossettes répondant à ceux des nouvelles croisées.

La Sauvetat, Manoir de Chalaniat, avant restauration
État du bâtiment en 2019, avant restauration de la façade principale

En 2019, la façade principale sur jardin était en trop mauvais état pour être simplement réparée : enduits soufflés, reprises malheureuses d’anciennes lacunes au ciment gris, dégradations dues à une vigne vierge envahissante, entourages de portes empâtés par un badigeon au ciment gris qui, lorsqu’on tenta de le retirer, entraîna une desquamation de l’arkose (grès local dont une carrière importante se trouvait à Montpeyroux, à proximité). Le parti fut donc retenu d’une réfection intégrale de la façade, comprenant la restauration de la porte d’entrée par les tailleurs de pierre de l’entreprise.

Comment restaurer ? Refaire l’existant, ou l’amender ?

Restaurer la façade sur jardin fut l’occasion d’amender plusieurs défauts qui entachaient son élévation : 

  • le rythme des croisées du rez-de-jardin ne répond pas à celui des cinq travées bien alignées aux deux étages supérieurs, y compris celle au centre, aveugle, ménagée pour équilibrer l’ensemble ;

  • si les fenêtres des travées supérieures sont alignées, leur cadence n’est pas régulière ;

  • les fenêtres du second étage, très haut placées à cause des plafonds surélevés de l’étage noble, sont repoussées contre la génoise, laissant trop d’espace intermédiaire avec les baies qu’elles surmontent ;

  • la génoise elle-même, limitée à trois rangées de tuiles et en partie cachée par la gouttière, est insuffisante et ne répond pas aux proportions du bâtiment, qui appellent une corniche plus imposante.

Le projet initial, consistant simplement à refaire l’enduit et peindre des bandeaux au badigeon pour marquer les angles du bâtiment, son soubassement et les entourages de fenêtres, n’était pas propre à corriger ces défauts. Il en aurait résulté une impression de « flottement » nuisant à la structure générale de la façade.

La Sauvetat, Manoir de Chalaniat, avant restauration
Décalages entre les niveaux, cadence irrégulière des travées,
la réfection de l'enduit ne suffit pas...

C’est au fil des travaux, commencés à l’intérieur du bâtiment, que s’est fait jour l’idée d’un projet plus élaboré, plus audacieux qu’une simple réfection, et c’est grâce à la confiance des propriétaires, Philippe et Valérie RICHARD, qu’il a pu aboutir :  férus de patrimoine, de monuments et d’antiquités, membres actifs des Vieilles maisons françaises dans le Puy-de-Dôme, ils n’ont pas craint d’adopter un parti qui transcendait l’ancien plutôt que de le reproduire servilement.

Conception d’une façade « à l’italienne »

Juin 2020 : Interview de Pierre-Étienne et Jean-Baptiste LEBIGUE
par M. Philippe RICHARD pour les Vieilles maisons françaises
durant le chant
ier de restauration du domaine de Chalaniat

Cette couleur très vive donne à la corniche peinte l’impression qu’elle se surimpose au reste de la façade. Pour accentuer cet effet, deux agrafes du même rouge que la corniche et ornées de feuilles d’acanthe, brochent sur les bandeaux situés aux angles du bâtiment, eux-mêmes coiffés de crossettes pour rappeler celles des croisées du rez-de-jardin et des fenêtres du second étage. 

La Sauvetat, manoir de Chalaniat, agrafe sous la corniche peinte, en cours d'exécution
Agrafe en cours d'exécution (avant modelé au noir de vigne)

C’est après la peinture de la corniche, puis des bandeaux et des entourages de fenêtres en jaune doré, que l’enduit de finition, obtenu par un mélange de chaux, de sable de la Dore et de rouge de Venise, fut appliqué sur le reste de la façade (voir la vidéo ci-dessus et les explications données par Pierre-Étienne LEBIGUE).

Pour magnifier l’étage noble et faire oublier l’intervalle excessif qui le sépare du niveau supérieur, chaque baie du premier étage a été amplifiée par un décor composé d’une haute corniche filigranée à laquelle sont suspendus des pendentifs de feuillage, eux-mêmes prolongés par des filets longeant les fenêtres et ramenés sous le bassoir.

La Sauvetat, manoir de Chalaniat, façade en cours de restauration
Après achèvement de la corniche et l'enduit de finition, le traitement de l'étage noble
La Sauvetat, manoir de Chalaniat, façade sur la cour d'honneur après restauration
Réconciliation du XVIe siècle véritable et de l'historicisme du XIXe dans un même décor, traité en grandes plages horizontales
La Sauvetat, manoir de Chalaniat, façade sur la cour d'honneur après restauration, vue depuis le parc
Vivacité méridionale et simplification des lignes de décor dans le lointain

Le point de départ fut le traitement de la génoise, définitivement trop mince. D’où le parti de l’intégrer avec les baies du dernier étage à une large corniche peinte composée d’oves et de palmettes se détachant comme des éléments sculptés sur un fond rouge (ocre rouge et terre de Sienne calcinée). Le motif des oves fut inspiré de celles retrouvées sur la porte d’entrée quand elle fut débarrassée de son badigeon au ciment gris, puis restaurée par les tailleurs de pierre de l’entreprise.

La Sauvetat, manoir de Chalaniat, porte sur la cour d'honneur, après restauration
Porte d'entrée (deuxième moitié du XVIe s.) après restauration par les tailleurs de pierre de l'entreprise et application d'une eau forte
pour harmonisation
La Sauvetat, manoir de Chalaniat, façade sur la cour d'honneur, détail de l'étage noble après restauration
Traitement de l'étage noble : corniches filigranées, pendentifs et filets, parements décorés de fausses inclusions

Leurs encadrements en pierre, qui avaient reçu le même badigeon jaune doré que les bandeaux aux angles du bâtiment, ont été allégés par des compartiments mouchetés semblables à des inclusions de pierre.

Le rez-de-jardin, resté trop nu et trop plat par rapport au reste de la façade, a été habillé par un décor composé de variations sur le motif de la plume de paon. Ce dernier, qui s’inspire des ornements usuels du mobilier français de la seconde moitié du XVIe siècle, mais qui n’appartient pas au vocabulaire architectural de cette époque, est un écho malicieux au courant historiciste qui a incité les RODDE DE CHALANIAT à doter leurs fenêtres de meneaux et de crossettes, plus charmants qu’authentiques...

 

Mais le principal avantage de la décoration du rez-de-jardin était de renforcer l’effet obtenu par le grand lambrequin peint en guise de corniche, en faisant reculer visuellement au second plan l’enduit en rouge de Venise, sur lequel se détache, diaphane et plus précieuse, l’architecture filigranée de l’étage noble. Par la finesse de son traitement, celle-ci ne devient perceptible qu’après avoir franchi la grille de la cour d’honneur, ménageant au visiteur une seconde surprise après avoir aperçu depuis le parc les teintes vives et franches de cette façade au style italianisant. Enfin et surtout, d’avoir organisé le décor en grandes sections horizontales, bien distinctes les unes des autres par les effets de relief et de couleur, a apporté la solution espérée pour faire oublier le défaut de rythme vertical et donner à cette maison le sentiment de régularité sereine qu’elle inspire désormais.

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